Les femmes lyrics

by

Guillaume Apollinaire


Dans la maison du vigneron les femmes cousent
Lenchen remplis le poêle et mets l’eau du café
DessusLe chat s’étire après s’être chauffé
Gertrude et son voisin Martin enfin s’épousent

Le rossignol aveugle essaya de chanter
Mais l’effraie ululant il trembla dans sa cage
Ce cyprès là-bas a l’air du pape en voyage
Sous la neige
Le facteur vient de s’arrêter

Pour causer avec le nouveau maître d’école
Cet hiver est très froid le vin sera très bon
Le sacristain sourd et boiteux est moribond
La fille du vieux bourgmestre brode une étole

Pour la fête du curé La forêt là-bas
Grâce au vent chantait à voix grave de grand orgue
Le songe Herr Traum survint avec sa sœur Frau Sorge
Kaethi tu n’as pas bien raccommodé ces bas

Apporte le café le beurre et les tartines
La marmelade le saindoux un pot de lait
Encore un peu de café Lenchen s’il te plaît
On dirait que le vent dit des phrases latines

Encore un peu de café Lenchen s’il te plaît
Lotte es-tu triste Ô petit cœurJe crois qu’elle aime
Dieu gardePour ma part je n’aime que moi-même
Chut À présent grand-mère dit son chapelet

Il me faut du sucre candi Leni je tousse
Pierre mène son furet chasser les lapins
Le vent faisait danser en rond tous les sapins
Lotte l’amour rend tristeIlse la vie est douce

La nuit tombait Les vignobles aux ceps tordus
Devenaient dans l’obscurité des ossuaires
En neige et repliés gisaient là des suaires
Et des chiens aboyaient aux passants morfondus

Il est mort écoutez La cloche de l’église
Sonnait tout doucement la mort du sacristain
Lise il faut attiser le poêle qui s’éteint
Les femmes se signaient dans la nuit indécise


                                                                   Septembre 1901–mai 1902.

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