A Chicago, le rap dans la ligne de mire lyrics

Slater

Dans la principale ville de l'Illinois, on rappe et on meurt dans les rues plus qu’ailleurs aux Etats-Unis. Mené par les jeunes Chief Keef ou King L, le mouvement «drill» rappelle que le gangsta rap naît dans les zones dont on ne parle pas dans les débats présidentiels, même quand le président sortant est un ancien élu de la ville...

Arnaud Fraisse { "@context": "http://schema.org", "@type": "MusicComposition", "@id": "\/artist\/43553-slater\/lyrics\/384145-a-chicago-le-rap-dans-la-ligne-de-mire", "name": "A Chicago, le rap dans la ligne de mire", "composer": [ { "@type": "MusicGroup", "name": "Slater", "url": "http:\/\/51.38.98.74\/artist\/43553-slater" } ], "lyrics": { "@type": "CreativeWork", "text": "Dans la principale ville de l'Illinois, on rappe et on meurt dans les rues plus qu\u2019ailleurs aux Etats-Unis. Men\u00e9 par les jeunes Chief Keef ou King L, le mouvement \u00abdrill\u00bb rappelle que le gangsta rap na\u00eet dans les zones dont on ne parle pas dans les d\u00e9bats pr\u00e9sidentiels, m\u00eame quand le pr\u00e9sident sortant est un ancien \u00e9lu de la ville...Chief keefUne petite ritournelle synth\u00e9tique pour ouvrir, puis le couple grosse caisse\/infrabasses entre, \u00e9pic\u00e9 par des roulements de charlestons, avant le refrain contagieux\u2026 Difficile de r\u00e9sister \u00e0 I Don\u2019t Like, compos\u00e9 par Young Chop et interpr\u00e9t\u00e9 par Chief Keef.A 17 ans, Keith Cozart (son vrai nom) est l\u2019une des figures les plus en vue d\u2019un mouvement rap n\u00e9 \u00e0 Chicago, dans le quartier du South Side, et regroup\u00e9 autour du terme drill music, qui fascine comme il inqui\u00e8te et attire donc les dollars des major du disque. Publi\u00e9e en mars 2012, sa vid\u00e9o comptabilise aujourd\u2019hui pr\u00e8s de 18 millions de vues \u2014 loin des scores de Rihanna et Justin Bieber, certes, mais pour un clip de rap \u00abhardcore\u00bb tourn\u00e9 avec les moyens du bord, on n\u2019est plus dans l\u2019anecdote.Au-del\u00e0 m\u00eame de la musique, le clip tourn\u00e9 par Duane Gaines, dit DGainz, est une plong\u00e9e directe dans l\u2019univers de la bourgeonnante sc\u00e8ne de Chicago. Sur sa cha\u00eene YouTube, les vid\u00e9os d\u2019artistes comme L.E.P. Bogus Boys (des v\u00e9t\u00e9rans) ou Spenzo, par exemple, d\u00e9voilent la rudesse des quartiers de la plus grande ville de l'Illinois, dans lesquels vivent et \u00e9voluent des artistes \u00e2g\u00e9s de 13 \u00e0 25 ans pour la plupart. Et les King L (ex-King Louie), Lil Reese, Lil Durk, Fredo Santana, Buck 20 Brick Boyz, YP, ou les filles Sasha Go Hard et Chella H font monter le compteur de la cha\u00eene de DGainz au-del\u00e0 des 42 (!!!) millions de vues.Lil ReeseLa drill music a d\u00e9pass\u00e9 le ph\u00e9nom\u00e8ne local, suffisamment pour alerter l\u2019une des fiert\u00e9s du rap de Chicago, qui a pourtant d\u00e9sert\u00e9 la \u00abville venteuse\u00bb depuis un moment pour des zones plus douces et s\u00e9curis\u00e9es \u00e0 New York ou Los Angeles: Kanye West s\u2019est offert un remix de I Don\u2019t Like, sur lequel il a plac\u00e9 une partie des artistes de son label G.O.O.D. Music, avant de le coller sur sa compilation Cruel Summer \u00e0 la derni\u00e8re minute, histoire de donner un tour actuel \u00e0 son dernier projet.Une reconnaissance qui a ouvert une br\u00e8che pour les jeunes artistes rap de Chicago. Depuis le printemps 2012, Chief Keef a sign\u00e9 chez Interscope (la maison de disques d\u2019Eminem, 50 Cent, Dr. Dre mais aussi Lady Gaga) pour 3 millions de dollars, dit-on. Un deal qui comprend notamment les droits pour un biopic, des casques audio et un label deal (Glory Boyz Entertainement) qui fait de Cozart le plus jeune PDG du showbiz.Ses comparses Lil Reese et Lil Durk ont eux chacun trouv\u00e9 un contrat chez Def Jam, label mythique du rap (Beastie Boys, Jay-Z, Public Enemy...), tandis que King L a \u00e9t\u00e9 accueilli par Epic\/Sony Music\u2026 En moins de six mois, une v\u00e9ritable fi\u00e8vre venue de Chicago s\u2019est empar\u00e9e du business rap am\u00e9ricain.On peut m\u00eame ajouter la signature de Rockie Fresh (autre rappeur local, mais pas forc\u00e9ment associ\u00e9 \u00e0 la sc\u00e8ne drill) chez MMG, le label de Rick Ross, le nouveau g\u00e9ant du rap. De son c\u00f4t\u00e9, Lil Wayne a adoub\u00e9 l\u2019ado Lil Mouse (13 ans) et il y a fort \u00e0 parier que l\u2019industrie garde un \u0153il sur la jeune Katie Got Bandz, sur Fredo Santana, SD, Chance The Rapper ou les Buck 20 Brick Boys...Les stars quittent le navireR\u00e9put\u00e9e pour son jazz, sa soul ainsi que sa house music, la troisi\u00e8me ville (et march\u00e9) des Etats-Unis n\u2019a pourtant jusqu\u2019ici jamais r\u00e9ussi \u00e0 imposer une v\u00e9ritable sc\u00e8ne rap, \u00e0 l\u2019oppos\u00e9 de New York, Los Angeles mais aussi Houston, Atlanta ou la Nouvelle-Orl\u00e9ans. Des artistes rap locaux ont n\u00e9anmoins r\u00e9ussi \u00e0 s\u2019imposer individuellement dans les ann\u00e9es 90 et 2000, des plus confidentiels chez nous comme Do Or Die, Bump J ou Crucial Conflict (incarnant plut\u00f4t le ghetto) aux plus grandes stars que peuvent \u00eatre Common ou Kanye West en passant par les figures reconnues comme Da Brat au milieu des ann\u00e9es 90, Twista, No I.D. ou Lupe Fiasco.En 2012, le constat s'av\u00e8re un peu amer pour cette ancienne garde: Do Or Die, Crucial Conflict et Twista peinent \u00e0 raviver leurs carri\u00e8res, Lupe Fiasco s\u2019enlise dans des errements artistiques, Common court les castings \u00e0 Hollywood et Kanye West fait du shopping avec Kim Kardashian dans les \u00e9choppes des grands couturiers entre Milan, Londres et Paris.Les grandes figures ont d\u00e9sert\u00e9 la ville et, malgr\u00e9 les efforts et la reconnaissance critique de certains artistes comme Mikkey Halsted, Naledge de Kidz In The Hall, Rhymefest, GLC, des plus \u00abhype\u00bb Cool Kids ou du plus accessible Yung Berg, le rap de Chicago paraissait jusqu\u2019ici bien p\u00e2le face aux sc\u00e8nes venues du sud, de Houston, la Nouvelle Orl\u00e9ans ou d'Atlanta avec sa trap music: un rap bondissant, dop\u00e9 aux infra-basses taill\u00e9 pour les clubs, mais hardcore et en prise directe avec la rue.C\u2019est d\u2019ailleurs dans ce mouvement que se reconnaissent les aspirants rappeurs de South Side Chicago, le pire coin de la ville \u00e0 en croire ses habitants comme ceux qui n\u2019osent pas y mettre un pied. Repli\u00e9s sur eux-m\u00eames dans la ville am\u00e9ricaine o\u00f9 la s\u00e9gr\u00e9gation est la plus profonde, les jeunes artistes d\u00e9veloppent leur son et leurs ambitions... Le mouvement est rest\u00e9 anonyme jusqu'\u00e0 ce que le d\u00e9funt Pacman et son cousin Fatzmack ne le baptisent drill, un terme venu l\u2019argot local. S\u2019il signifiait \u00abr\u00e9pondre \u00e0 ses agresseurs ou ennemis\u00bb \u00e0 l\u2019origine, il est devenu une commodit\u00e9 pour d\u00e9crire tout ce qui semble excitant pour ses adeptes.C\u2019est en toute logique que drill a d\u00e9fini la musique des L.E.P Bogus Boys ou de King Louie, qui ont ouvert la voie aux Keef, Reese, Durk ou Katie... Une musique du hood, par lui et pour lui. Agressive, puissante et sans filtre : on y parle de violence, de fusillades de drogue, du hustle... On y entend des bruits de flingues, on y d\u00e9c\u00e8le l\u2019envie d\u2019empiler des billets\u2026 Bref, la triste vie de rue \u00e0 l\u2019am\u00e9ricaine, la vraie.Les L.E.P. Bogus BoysPas l\u2019ombre d\u2019une Maybach ou d\u2019une Lamborghini dans les vid\u00e9os, et si les clips sont film\u00e9s sur le pav\u00e9 ou dans des apparts peu reluisants, c\u2019est que la drill music rappelle le rap au bitume. Et vice-versa. On n\u2019est pas si loin du gangsta rap californien des ann\u00e9es 90, la distance, la perspective et le sens de la mise en sc\u00e8ne en moins...Et comme le gangsta rap, la drill music d\u00e9clenche la pol\u00e9mique. Les anciennes gloires de la ville s\u2019opposent m\u00eame sur le sujet. Kanye West a saut\u00e9 sur l\u2019occasion de se reconnecter avec la jeunesse de sa ville d\u2019origine tandis que Lupe Fiasco d\u00e9clarait \u00e0 une radio de Chicago :\u00abChief Keef me fait peur. Pas lui particuli\u00e8rement mais la culture qu\u2019il repr\u00e9sente. Les truands, les gangsters...\u00bbLa jeune star a r\u00e9pondu s\u00e8chement \u2014b\u00eatement m\u00eame\u2014 \u00e0 son a\u00een\u00e9 sur les r\u00e9seaux sociaux, canaux de pr\u00e9dilection du nouveau rap de Chicago, qui lui ont permis de se faire conna\u00eetre au-del\u00e0 du South Side sans l\u2019aide des glorieux a\u00een\u00e9s :\u00abLupe Fiasco est une pute et quand je le verrai, je botterai le cul \u00e0 la petite salope qu\u2019il est\u00bbLa rupture est consomm\u00e9e.Reality rapLupe Fiasco n\u2019a peut-\u00eatre pas tort de s\u2019inqui\u00e9ter, mais comme le clich\u00e9 le dit, Keith Cozart, dit Chief Keef, est surtout le produit d\u2019un environnement. Et le paysage offert aux jeunes Noirs de Chicago est effrayant.La population afro-am\u00e9ricaine de la ville est principalement confin\u00e9e dans deux grands quartiers, \u00e0 l\u2019ouest et au sud, depuis des d\u00e9cennies et aucun signe de changement n\u2019est \u00e0 pr\u00e9voir. Pire m\u00eame, le taux d\u2019homicides a grimp\u00e9 de 38% en 2012 (240 d\u00e9c\u00e8s constat\u00e9s en juin 2012) alors qu\u2019il stagne ou baisse \u00e0 New York ou Los Angeles. Et les quartiers les plus touch\u00e9s sont\u2026 West Side et South Side Chicago, o\u00f9 les gangs, qui n\u2019ont jamais cess\u00e9 d\u2019exister, sont pass\u00e9s de 500 \u00e0 plus de 600 en deux ans tout juste.Chief Keef, originaire du quartier d\u2019Englewood dans le South Side, ne fait pas myst\u00e8re de son appartenance au 300 Black Disciple Gang. Il n\u2019h\u00e9site pas \u00e0 ponctuer ses rimes de tonitruants \u00abBang! Bang!\u00bb ou \u00e0 mimer des fusillades \u00e0 l\u2019occasion. En d\u00e9cembre 2011, il s'est fait serrer pour usage ill\u00e9gal d\u2019armes \u00e0 feu et s'est retrouv\u00e9 assign\u00e9 \u00e0 r\u00e9sidence chez sa grand-m\u00e8re.Le magazine en ligne Pitchfork a tourn\u00e9 une interview du jeune rappeur dans un stand de tir et d\u00e9clench\u00e9 un v\u00e9ritable pol\u00e9mique qui a pouss\u00e9e la parution \u00e0 retirer la vid\u00e9o. Chief Keef sent la poudre.Lorsqu'on demande aux jeunes artistes rap de Chicago s\u2019ils r\u00e9alisent la port\u00e9e du message qu\u2019ils transmettent, leur r\u00e9ponse est unanime : \u00abOn ne fait que parler de ce qu\u2019on conna\u00eet\u00bbLes faits leur donnent tragiquement raison. Le 4 septembre 2012, Joseph Coleman (dit Lil JoJo), aspirant rappeur et membre d\u2019un gang rival de celui de Chief Keef et Lil Reese, \u00e9tait tu\u00e9 par balles dans les rues d\u2019Englewood, \u00e0 18 ans.Comme beaucoup de membres des bandes de Chicago, tout ce petit monde se d\u00e9fiait r\u00e9guli\u00e8rement sur les r\u00e9seaux sociaux. Signe des temps. Apr\u00e8s le meurtre, Chief Keef s\u2019est r\u00e9joui de la mort de son ennemi sur Twitter, avant de se r\u00e9tracter maladroitement en \u00e9voquant le piratage de son compte. Trop tard.Lupe Fiasco est inquiet. Barack Obama, ancien s\u00e9nateur de l\u2019Illinois, l\u2019est moins. Il aura attendu la mi-ao\u00fbt pour r\u00e9agir. Mollement. Le pr\u00e9sident de la g\u00e9n\u00e9ration hip-hop, celui qui re\u00e7oit Jay-Z au salon, cite Common ou \u00e9reinte Kanye West quand il en fait trop, a envoy\u00e9 un message vid\u00e9o appelant \u00e0 la paix dans les rues de Chicago \u00e0 l\u2019occasion d\u2019une parade annuelle retransmise localement. Parvenu hors d\u00e9lais \u00e0 la cha\u00eene, la bande ne sera finalement jamais diffus\u00e9e. Fin du chapitre.On n\u2019attendait pas de Mitt Romney, candidat r\u00e9publicain \u00e0 la pr\u00e9sidence, qu\u2019il cite Chief Keef ou s\u2019\u00e9meuve de la mont\u00e9e de l\u2019activit\u00e9 des gangs dans la troisi\u00e8me ville du pays, mais de la part d\u2019un homme qui consid\u00e8re Chicago comme sa ville d\u2019adoption et s\u2019est largement appuy\u00e9 sur l\u2019\u00e9lectorat afro-am\u00e9ricain et la g\u00e9n\u00e9ration hip-hop en 2008, cette distance est nettement plus surprenante. Au maire de la ville, l'ancien secr\u00e9taire g\u00e9n\u00e9ral de la Maison Blanche Rahm Emanuel, et aux autorit\u00e9s locales de g\u00e9rer...A Englewood, ailleurs dans le South Side ou dans le West Side, on ne s\u2019interroge pas: on profite. La sc\u00e8ne rap locale n\u2019aura jamais autant fait parler d\u2019elle, en bien comme en mal. Elle fascine, d\u00e9range et redonne au rap l\u2019une de ses fonctions premi\u00e8res: proposer un \u00e9clairage sur la r\u00e9alit\u00e9 des ghettos am\u00e9ricains.La drill music n\u2019est pas une affaire de po\u00e9sie de boudoir, c\u2019est avec du son taill\u00e9 pour les caisses et les bo\u00eetes de nuit dans lesquelles ils n\u2019ont m\u00eame pas tous l\u2019\u00e2ge d\u2019entrer que Chief Keef et ses potes sont devenus millionnaires. Ce que personne ne connait, pas m\u00eame eux, c\u2019est la fin de l\u2019acte: en seront-ils les h\u00e9ros triomphants ou les victimes tragiques? Le d\u00e9cor est lugubre mais l\u2019orchestre excitant.Arnaud Fraisse" } } { "@context": "http://schema.org", "@type": "BreadcrumbList", "itemListElement": [{ "@type": "ListItem", "position": 1, "item": { "@id": "http:\/\/51.38.98.74\/artists\/S", "name": "Artists" } },{ "@type": "ListItem", "position": 2, "item": { "@id": "http:\/\/51.38.98.74\/artist\/43553-slater", "name": "Slater" } },{ "@type": "ListItem", "position": 3, "item": { "@id": "\/artist\/43553-slater\/lyrics\/384145-a-chicago-le-rap-dans-la-ligne-de-mire", "name": "A Chicago, le rap dans la ligne de mire" } }] }

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